Quand la danse rencontre la technique

Vendredi 25 mars 2022, la salle du Centre Culturel Georges Brassens était comble !

Les élèves de l’option Art-Danse de Mme Bodart ont produit un spectacle de toute beauté : émouvant, drôle, instructif et engagé !

Jean-Mich’ ouvre le bal, tenue de poissonnier, perruque afro et lunettes noires. À son micro, chaque danseuse se présente, de la seconde à la terminale. Voici « Corentine, un cœur à prendre », « Manon, la folle », « Vincent, qui a le seum parce qu’il est le seul danseur ». Derrière chaque prénom, une anecdote ; le public sourit, déjà conquis par cette première rencontre tonique.

Inspiré par le monde de la mer, « Dance Industry » est un bel hommage à l’histoire de la Côte d’Opale, aux métiers de la pêche et à son folklore. Mme Bodart a travaillé avec le Centre Nausicaa et l’association « Les Soleils Boulonnais ». Ces derniers ont d’ailleurs fait la démonstration d’une ronde traditionnelle, en tenue d’époque et sabots. Ce fut un moment authentique, rappelant que la danse a une histoire, et qu’elle prend racine dans un territoire.

Au gré des numéros, nous voyageons sur terre et en mer.

Nous découvrons l’âpreté du travail des marins, au son du saxophone et de la guitare électrique. Des solos et des duos miment les gestes répétitifs et saccadés, les courbatures, le mal de dos. La pêche n’est pas qu’un monde d’hommes : les femmes y travaillent, vendent le poisson au marché, cuisinent dans les petites maisons. Elise remue un fouet ; d’autres soulèvent des casseroles. Le mouvement est partout, dans n’importe quel acte du quotidien. Tout est grâce si l’on y regarde bien.

Pendant que certains s’agitent, d’autres rêvent.

Un danseur mime un homme perdu, assis sur une bite d’amarrage, attendant on ne sait quoi. Il semble bizarre, esquisse des gestes fébriles, mais bientôt il se courbe, fait des pirouettes, et semble, à la fin, marcher sur un fil. Les plus petits rient de ses pitreries. Serait-il un pauvre SDF errant sur le port de Boulogne ? Un naufragé ? Un migrant ? Il nous émerveille, comme Charlie Chaplin.

Les élèves nous font plonger dans l’espace aquatique, à travers des morceaux de musique planants. Leurs chorégraphies personnelles montrent tantôt l’eau féroce, contre laquelle on se débat, tantôt l’eau calme, où l’on renaît. Le corps constamment collé au sol, une danseuse se contorsionne dans un filet de pêche, comme si elle était un poisson. Une manière personnelle de dénoncer la surpêche et la maltraitance animale, et peut-être aussi un moyen de refléter notre propre sentiment d’oppression.

De l’animal à l’homme, il n’y a qu’un pas. Mais de l’homme au robot, aussi. C’est sur cette question finale que nous convie « Humanoïdes ». Des danseuses en blouses blanches s’agitent à côté de leurs créatures vêtues de noir. Mêmes silhouettes, mêmes mouvements. Qui est l’homme ? Qui est la machine ? Dans un monde de plus en plus technique, quels risques de dérives courrons-nous ? La science peut augmenter nos capacités, mais jusqu’à quel point ? Où poser la limite ?

C’est dans la joie que la salle se vide, au son d’une chanson patoisante, « Accatez mes saut’relles », de Jean Jarrett, « l’enfant chéri des Boulonnais ». Tout le monde applaudit, se lève et sourit, heureux de partager un bon moment, après deux ans de confinement.

Marie DUBOIS, Professeur de Lettres au Lycée Giraux Sannier

 

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