Les élèves de l’option Art-Danse ont assisté à un spectacle de la chorégraphe Maguy Marin, intitulé « May-B », au Channel, à Calais. Inspirés des pièces absurdes de Samuel Beckett, des personnages blafards marchent sur scène, laissant des traces sur le sol. Ils gémissent, éructent, incapables de parler. On dirait des zombies, des fous, des clowns tristes. Et pourtant, passée la première impression de malaise, on comprend que Maguy Marin poétise la marginalité et brise les codes de la danse. Tout geste du quotidien est un art : se gratter l’oreille, enlever ses chaussures. Tout corps peut danser, aussi maladroit soit-il. La danse naît dans la rue, elle est « marche », « tour », « saut ». Elle est spontanée, enfantine, grivoise, grotesque. On s’accroupit, on écarte les jambes, sans peur du jugement. Des images de cavalcades, de carnavals, de bals-musette surgissent. Mais après la fête vient la mélancolie. Des voyageurs, valises à la main, attendent le train. Puis vient le moment de partir, comme si nous étions toujours en chemin, cherchant en vain notre direction. En cours de route, nous nouons des liens. La question du groupe est centrale : les danseurs avancent comme des bancs de poisson, répondant à un phénomène d’imitation. Mais au fond, chacun reste seul. Maguy Marin représente le mouvement de la vie, à la fois sa puissance et sa fragilité. Le corps se fait « pulsion », « chaos », « rire », mais il se transforme aussi en petite chose perdue. « C’est fini, ça va finir, ça va peut-être finir » est le leitmotiv de ce spectacle crépusculaire. A la fin, la lumière s’estompe sur un danseur figé comme une statue. On ressent le néant de la mort. Très baudelairienne, Maguy Marin célèbre la beauté de la ruine. Elle magnifie ce qu’il y a de plus raté, de plus tordu en nous avec beaucoup de justesse et de tendresse pour nous tendre un miroir de notre humanité.
Rédigé par Marie Dubois.