Nos élèves sont éloquents !

Ils sont 16, ils se préparent depuis des mois. Méfiez-vous, comme cela, on pourrait croire qu’il leur est naturel de parler en public. Mais non. Ils ont un courage fou, ces élèves de seconde ! Eux aussi, sont du cortège des hésitants, des nuancés, des timides, des muets, des taciturnes. Ils sont parfois ceux que l’on n’a jamais entendus, dans le fond de la classe, qui à peine lisent la consigne, scrutent plutôt les marges de leur cahier, attendent que le professeur en interroge un autre, prient parfois pour que la sonnerie retentisse et qu’ils ne passent pas à l’oral. « Passer à l’oral », vous remarquerez ce que cette action a de bref, d’éphémère, si c’est un passage, alors, oui il faut y passer, il faut en passer par là, bref, je vais y passer, c’est sûr. Et alors, pourvu qu’il passe, oui, pourvu qu’il passe, le temps de mon exposé, le temps où je dois parler, le temps où les autres me regardent et peut-être me jugent.

Alors, ces presque-sans-voix, nous avons voulu tenter de les rassurer. Nous aussi, bien souvent, élèves consciencieux, nous étions tétanisés, ne connaissions plus notre passé composé ou nos vecteurs une fois au tableau. Et puis, savoir écouter, rester silencieux, c’est souvent une qualité. Trop de démagogues de tout bord prennent la parole de façon intempestive, sans le recul nécessaire, trop spontanément. Nombreux sont ceux qui commentent ou partagent une info sans au préalable avoir pris le temps de la sous-peser, de la vérifier. Trop s’invectivent dans toutes sortes de tribunes, sur les réseaux ou dans des talk-show de bas étage.

Parler, cela s’apprend. Regarder les gens dans les yeux, poser sa voix, cela s’apprend. Réussir à s’armer pour débattre, raisonner, donner une belle forme à ce qui nous indigne pour convaincre, cela s’apprend. À l’heure où le débat public, le cœur même de la démocratie, n’a parfois plus aucun espace, nous avons voulu lui redonner du champ en créant ce concours et donner à chacun de ces élèves les armes nécessaires pour prendre part au débat collectif.

Non, je me corrige. Oui, la métaphore est belle et elle est de Zola défenseur de Dreyfus. Mais ne considérons pas les mots comme des armes, le débat comme un champ de bataille. Non les mots sont les paroles d’un chœur et le débat, leur chant.

Texte écrit par Manon Ledez, organisatrice du concours.

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